Nombres Premiers SAS


23 divisible par 1 et 23 (nombre premier)


Les semaines qui suivirent furent du bonheur comme au premier jour de notre création.

Matt et moi descendions des bières devant la grande spirale des nombres, on avait commencé à percevoir de l’argent et la banque m’avait accordé un prêt. Prêt qui m’a permis de faire venir des USA un conteneur de consoles usagées, vendues une misère parce que ces petites connes avaient un lecteur hors service (lecteur qui ne nous était d’aucune utilité !)

Certaines étaient même complètement out, et Matt et moi on s’est mis à apprendre à réparer ces choses, parfois avec des bouts de gomme et de la colle.

La fille s’amusait à me faire des empilements ultra alignés de légos, qui commençaient ainsi 1, 2, 3, 5, 7...c’était notre sculptrice muette des nombres que nous transformions en billets.

Désespérant de la voir ignorer la télévision, j’ai installé la fille et la télé dans l’entrepôt. La première face à la spirale de nombres qu’elle fixait avec une sorte d’extase contemplative, et la deuxième sur mon bureau pour que je puisse “tester” si les consoles marchaient bien.

L’autiste a commencé à me poser des problèmes.

Une nuit, un guetteur m’a tiré du lit par téléphone parce qu’elle s’est mise à hurler sans raison. Elle hurlait encore, sa voix cassée, quand je suis arrivé en pleine nuit dans son petit studio. Je l’ai bercée comme une enfant, et elle s’est calmée, et rendormie aussitôt.

La deuxième fois, les voisins sont venus se plaindre sérieusement - et j’avais besoin de mes voisins. Du coup, elle passait ses nuits dans ma piaule, où j’avais planqué toutes mes armes par précaution.

La troisième fois, donc, j’étais là. Agacé, je lui ai demandé quel était son problème.

Elle m’a parlé de gouffres insondables, d’éternelle obscurité et de solitude absolue.

De l’abandon de la beauté.

Des mots bien compliqués, si vous voulez mon avis, pour une débile mentale. Si j’avais aussi ce type d’expressions alambiquées dans la tête, je m’en taperais des crises d’angoisse.