39 divisible par 1 et 3 et 13 et 39 (nombre composé) |
J’avais levé mon bras pour balancer un coup de poing à Matt et le laisser dans le sable, mais ma main s’ouvre et se pose amicalement sur son épaule. Je fais la même chose avec la fille qui fixe les dernières lueurs du soleil. Je leur dis d’une voix exaltée, mais basse : “Nous sommes riches.” “Nous sommes des dénicheurs d’informations secrètes et nous les vendons. Et nous avons le plus grande et la plus secrète des informations à notre disposition. Nous savons qu’il existe une limite, une faille, un abîme, un mur vers lequel tous nos processus informatiques actuels se précipitent et risquent de s’y briser.” “Mais cette information, la plus précieuse au monde, nous n’allons pas la vendre.” “On va la garder pour nous.” “On va reprendre ce business. Ne vous inquiétez pas. On va monter une société écran, on va embaucher des intermédiaires, on va la jouer profil bas. Nous, les boss, on va disparaître. On va pas rentrer dans leur petit jeu. On va leur livrer du premier à 100 chiffres, 150 max, sans jamais céder à leurs demandes spéciales - on sait ce qui nous attend. Ils prennent, ils prennent pas, c’est comme ils veulent, mais on sait qu’à la fin ils prendront. On va se refaire. Mais ça, c’est la partie émergée de l’iceberg.” “Pendant ce temps, toi et moi, on va se pencher sur un truc. On va créer un système de transaction sécurisée global qui n’utilise pas les nombres premiers. Je sais, ce n’est pas quelque chose qu’on peut faire nous, mais on ne va pas réinventer la roue. On va racheter les sociétés spécialisées, les orienter, agir en martelant que nous devons trouver une solution technique viable, vers laquelle l’ensemble des techniques de sécurisation informatiques actuelles pourront migrer facilement.” “Une solution qui n’utilise pas les premiers.” “On va devoir se serrer la ceinture. Le moindre sou gagné sera investi dans cette recherche. On va manger de la vache enragée pendant 5 foutues années. Chaque bénéfice donnera lieu à un emprunt au maximum possible pour alimenter la mise au point de nos processus et assurer un monopole sur un marché marginal. Pendant 5 ans, on va se décourager, sans cesse. On aura peur. On se détestera. Le monde nous prendra pour des fous furieux. ” “Mais à un moment, les cranes d’oeufs qui font la course aux premiers vont apercevoir, de loin, cette foutue faille. Et ils vont avoir la peur de leur vie. Ils vont se dire qu’ils auront besoin de systèmes alternatifs. Et là, ils auront 5 ans de retard. Toute la propriété intellectuelle de ce domaine sera nôtre. Toute l’expertise possible dans ce domaine sera la nôtre.” “Tous ces cons qui triment tous les jours et qui entassent leur fric sur des comptes en banque en espérant se payer des vacances au ski. Tous ces gras du bide qui se branlent sur la montée de leurs actions en bourse. Et même ces teignes des services du renseignement qui sont là avec leurs petits secrets. Du jour au lendemain plus rien ne sera sûr. Tout le monde pourra plonger dans la boite aux lettres du voisin, et ses secrets les plus intimes, parce qu’un pirate informatique se sera amusé à mettre un script à disposition sur internet. Tout ce petit monde verra leurs fondations osciller et ils n’auront qu’une seule corde à laquelle se rattacher, notre corde, que nous vendrons le prix que nous voudrons.” “Le monde de l’informatique régule nos vies. Ils sont immenses, ces colosses qui soutiennent ce monde : Microsoft, Apple, Google, Oracle...et pourtant, ils ne seront rien face à la tempête qui se prépare. Face au précipice. Nous serons l’ombre titanesque qui se dresse dans leur dos et qui rendra ces géants ridicules.” “Nous percevrons un droit sur chacune des transactions dans le monde. Une seule seconde nous rendra riche au delà de notre imagination. Et nous ne serons pas les salauds qui tiennent en otage la planète : nous en serons les sauveurs.” “Le monde sera à nous, mais c’est bien plus grand que cela.” “Nous avons une mission.” “Une destinée nous attend.” “Est-ce que tu me suis, Matt ? Est-ce que vous me suivez tous les deux ?” Le jeune fou était complètement surexcité, et pourtant il en avait vu des belles pas plus tard qu’hier. Les affaires reprenaient. Et pendant que Matt me regardait avec une mine enthousiaste, moi, je me tourne vers la fille pour lui serrer la main. Elle fixe l’horizon désormais noir, les eaux sombres et sans écume où ne se reflète aucune étoile ; préfigurant l’abysse qu’elle a contemplé de ses grands yeux d’enfant ; et sur ses joues coulent deux larmes. FIN Si vous avez aimé cette histoire, faites le moi savoir à fibretigre@hotmail.com ! |