18 divisible par 1 et 2 et 3 et 6 et 9 et 18 (nombre composé) |
J’étais pas convaincu et on alignait les rencontres décevantes alors que je songeais déjà à de nouvelles stratégies pour transporter le nombre. On passe devant une chambre où se trouve une jeune fille. Je fais part de ma surprise au médecin, ayant lu la veille que les autistes “génie des maths” étaient le produit d’un développement “hypermasculin” du cerveau. Le médecin me regarde encore au-dessus de ses lunettes avec ce petit sourire condescendant : “Ce sont des théories américaines...vous êtes un profane alors ça passe, mais avancez ce type de chose à une réunion de professionnels français et ils vous jetteront par la fenêtre.” “A présent, factuellement, force est de constater que les personnes atteintes du syndrome d’Asperger sont en majorité des hommes. Il y a des exceptions dans des cas identifiés. En voici un : sa mère était héroinomane pendant sa grossesse. A sa naissance, le patient a du être désintoxiqué pendant de longs mois. Elle a survécu mais son développement cérébral a été atteint. Elle n’a jamais eu de famille et l’Etat s’occupe de cette jeune fille ; j’apprécierais que vous allégiez la charge économique qu’elle représente, mais je doute qu’elle puisse vous être utile.” Une femme, ça m’intéressait. Parce que le coup de l’autiste, on pense toujours à un homme. Une femme, ça brouille les pistes. Je rentre sans rien dire. La patiente est une grande gigue maigre, les cheveux clairs coupés courts avec la classe d’un prisonnier. Sa peau est sans défaut, comme si on venait de la sortir d’un emballage. Elle doit avoir dans les vingt cinq ans, même si avec ce look c’est difficile à dire. Elle fixe le mur blanc, assise sur son lit, et quand je viens devant elle, son regard ne cille pas. Je déplie un papier où se trouve un premier à 150 chiffres - non trivial mais dans le domaine public - et je le colle pas trop loin de son visage. Ses yeux font le point, elle le checke de haut en bas rapide, un peu comme quand je regarde discrètement une fille dans la rue, et ses yeux montent ensuite vers les miens, légèrement humides. Son visage s’illumine d’un imperceptible sourire. Le medecin se braque un peu aussi et se place derrière moi pour regarder ses réactions. Je demande à la fille si elle voit le nombre, elle opine. Je plie le papier, et je lui demande si elle s’en souvient. Ses lèvres s’entrouvrent et elle murmure avec émotion : “oui...” Le medecin me demande le nombre qu’il y a sur le papier, quelle est son importance - il semble le seul perturbé dans la pièce. Je demande à la fille de me donner le nombre, et elle commence à anonner : “deux, trois, deux, six...” La série est exacte. Je dis au médecin que je l’embauche. On se serre la main dans le couloir et il me détaille les frais dont j’aurais à m’acquitter, aide quotidienne, logement, etc...on se serre la main, tandis que la fille, les yeux face au mur, continue de dire les chiffres un par un. Alors que, satisfait, je reviens à la boite pour faire part de ma trouvaille à Matt, une idée me frappe : je ne connais même pas le prénom de la fille. |