Nombres Premiers SAS


19 divisible par 1 et 19 (nombre premier)


Matt n’a pas apprécié.

Bon, il était déjà en rogne du fait que je l’ai laissé en plan plusieurs jours, l’annonce de nouveaux frais dont il percevait mal l’intérêt l’enchantait pas. Je lui ai mis ma main sur l’épaule, à ce connard, je lui ai fait un grand sourire et je lui ai demandé avec une douce voix de me faire confiance.

Qu’il me trouve un nombre à 150 chiffres et je prendrai son avis de puceau en compte.

J’ai trouvé pour “pas cher” (comprenez, au black, grâce à mes nouveaux amis de la Cité) un studio à deux pas de l’entrepôt - on allait pas faire un aller retour à la maison des débiles mentaux à chaque fois qu’on trouverait un nombre, sinon mon plan serait découvert.

J’ai fait une chambre de rêve pour autiste, c’est à dire mobilier et mur blancs, une petite télé, un lit, une table et une chaise ; et un kilo de légos colorés. Et une fenêtre donnant sur le terrain conquis par les orties qui entoure l’entrepôt. L’aide soignante était une femme qui devrait déjà être à la retraite, et que je me suis mis dans la poche avec quelques compliments et une boite de chocolats.

La dernière touche était de saper la fille, parce que je me voyais mal me pointer en rendez-vous avec ces beaux habits blancs de l’asile de fous. Dès que je suis allé la chercher, ma première destination a été un coiffeur histoire de lui changer son look de prisonnier est-allemand, puis de ces magasins cheap pour ados pouffes et assistantes commerciales débutantes.

Je l’ai joué Pretty Woman rencontre Rain Man, et j’ai eu besoin de pas mal d’aide pour faire essayer les vêtements à la fille qui jouait les pantins désarticulés. Elle a failli se blesser quand la vendeuse a tenté de lui chausser des petits talons hauts et qu’elle a perdu l’équilibre. Au final, elle était déguingandée dans un tailleur sans marque, mais pas plus qu’une provinciale mal dégrossie. Ah, et surtout les lunettes de soleil, pour masquer le fait qu’elle ne regardait jamais les gens, ni dans les yeux, ni ailleurs.

A ce propos, la vendeuse, une pouffe qui pour le coup avait oublié qu’elle n’était plus ado, m’a trouvé tellement mimi en gorille qui prend soin d’une jeune débile fragile qu’en bas de la facture elle avait inscrit son numéro de téléphone.

Le soir même je me pointe chez elle, et pour annoncer direct la couleur de la nuit je l’ai prise contre la porte d’entrée qu’elle venait de refermer. Comme un ogre j’ai vidé son frigo le temps de la laisser souffler, et puis on l’a fait encore jusqu’à épuisement jusqu’à l’aube, je l’ai prise avec égoisme comme aucune mauviette de son âge ne la prendra jamais, car les générations d’aujourd’hui ne savent faire qu’une chose : demander la permission en chouinant.

A elle non plus j’avais pas noté le nom, mais qu’importait ? Demain elle continuerait à s’habiller comme une pouffe, à vendre des fringues de pouffe à ses copines pouffes pour un salaire de pouffe, tandis que moi, le monde m’acheterait à grand prix les secrets les plus intimes des espaces lointains et inexplorés des mathématiques.